Virago – Premier Jour

La configuration idéale eut été de découvrir Virago en première partie d’un quelconque groupe. Se prendre une bière au bar et attendre que ça se passe, avec la fatigue de la journée et la lassitude d’écouter des groupes lambda en ouverture. Et puis sentir dès les premières notes que cette fois-ci ça ne se passera pas comme ça, ressentir l’emprise qu’exerçait le trio sur scène, être happé par l’intensité de cette bande son, illustration parfaite de textes à l’écriture à l’os. Et pour finir, s’emmerder sec devant la fadeur du set de la tête d’affiche qui n’y est pourtant pour rien. Se faire prendre par surprise de la sorte se produit très rarement, cela m’est arrivé deux fois et deux fois par des groupes grenoblois*, allez savoir pourquoi.

Sur son premier disque « Introvertu », Virago était déjà plus qu’une promesse tant il est rare que le rock aiguisé prenne pour coloc le français et encore moins que cela se finisse par un PACS. « Premier Jour » sort le 11 septembre 2000 avec en tête de gondole « Ouvre-moi » composé pour la B.O. de « Baise-moi »**, l’adaptation du roman de Virginie Despentes. Mais le tube de l’album c’est « Un instant » qui a un arrière-goût de pop à patte molle sur les couplets et de rock fort sur le refrain qui peut faire tiquer à la première écoute mais se révèle être le secret d’affinage du morceau.

Virago c’est l’art de la concision sans se restreindre à la doxa noise. Pour preuve, son utilisation de samples qui se fondent dans le décor pour mieux l’étoffer (« Premier jour de mai » à la dramaturgie glaçante). Plus le groupe la joue à l’économie, plus il devient létal : il suffit de deux notes de piano et une guitare à peine plus disserte pour donner à « Tu m’as fait ça » une puissance évocatrice quasi cinématographique. Jusqu’à atteindre son climax lorsque le groupe se met à fondre Gainsbourg dans le Shellac de « Didn’t We Deserve a Look at Who You Really Are » pour couler une version de « Love On The Beat » fidèlement dérangeante mais radicale, opposant un bruit polaire à la moiteur synthétique de l’originale. Ultime morceau de l’album et ultime morceau de Virago qui semblait pourtant avoir encore beaucoup à dire et qui passera bien trop vite de belle promesse à serment brisé. Comme s’il revenait à ce groupe la charge de fermer le ban de cette décennie de déclinaisons rock du bruit, une décennie noise on the beat.

* 2 = Rien

** qui soufflera 20 ans plus tard son nom à noise-moi.

L’album peut s’écouter sur le site du label Vicious Circle.