EURONOISE90 Vol. 0 : Noise-moi en séjour Erasmus

Nous ne cessons ici même de célébrer à juste titre le rock dissonant produit en France dans les années 90. Il faut néanmoins garder à l’esprit que cette période était concomitante d’une autre, propre à chacun des contributeurs de noise-moi (ou presque) : celle de la nouveauté permanente, du temps maximal de cerveau disponible pour la musique et des premières montées sur scène pour certains d’entre nous. Comment dès lors nous garder de l’excès de nostalgie, lutter contre nos tendances autocentrées et nos instincts grégaires, pour encore mieux souligner la créativité de cette scène ? Un moyen parmi d’autres consiste à écouter le boucan que faisaient nos voisins, non pas pour nous comparer, mais pour appréhender ce qui nous liait et ce qui nous différenciait dans cette musique à la fois globalisée et marginale. C’est cette idée qui est derrière la série d’articles EURONOISE90.

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EURONOISE90 s’est d’abord penché sur des contrées qui ne viennent pas en premier à l’esprit lorsqu’on parle de la dissonance des années 90. On a fait connaissance avec une Italie résolument tournée vers l’Amérique, avec d’un côté un nord dense et une Bologne surreprésentée, et de l’autre une ville de Catane jumelée avec Chicago, épicentre d’une Sicile bruitiste aux confins d’un Mezzogiornio clairsemé. On a découvert un Pays basque noise et une ville de Gijon que l’on ne s’attendait pas à placer sur une carte de l’Espagne rock. On a croisé Scott Mcloud dans un clip Slovène, une ribambelle de groupes noise à Zagreb, un disque enregistré durant le siège de Sarajevo, un combo basse bat’ Serbe rock et groovy expatrié à Londres. On pensait ne rien entendre dans les pays de l’Est, la Pologne s’est révélée profuse, l’Estonie sonique, la Hongrie jazz, punk et tradition et on a goûté à la spécialité tchèque, le shoegaze Praguois.

Il y a eu ensuite la confirmation de la noisitude de l’Europe du Nord, en Scandinavie, en Allemagne, au Benelux, ainsi qu’en Suisse et en Autriche. On a constaté des absences inattendues comme la Norvège ou la Wallonie désertique à côté d’une Flandre ultra dense. Rigueur scientifique oblige, EURONOISE90 a ensuite traversé la Manche malgré le Brexit, en faisant d’abord étape à Londres avant de visiter le reste de l’Angleterre puis l’Écosse et l’Irlande. Le résultat semblait couru d’avance, on a quand même découvert une flopée d’excellents groupes dont on n’avait jamais entendu parler. Une particularité a sauté aux oreilles : le rock à Londres ainsi que dans le sud de l’Angleterre et dans le Yorkshire était plus féminisé qu’ailleurs. Pas assez pour atteindre la parité, mais tout de même.

On a vu passer quelques groupes français : Portobello Bones en Pologne ainsi qu’en Espagne tout comme Diabologum et Voodoo Muzak, Prohibition en Angleterre, Ulan Bator en Italie et en Allemagne. Des Français ont été aperçu dans des groupes Anglais, Allemands, Italiens et même Tchèques. On a relevé quelques clins d’œil ou inspirations : les révolutions de 1789 et 1830 en Tchéquie et en Finlande, Bernanos et Rimbaud en Ukraine, Georges Bataille en Pologne, Gilles Grangier en Bavière, André Suarès en Angleterre, Gaston Lagaffe en Serbie. On a déniché des noms de groupes improbables, notamment dans la Ruhr (Les Hommes Qui Wear Espandrillos). On est tombé sur des titres rigolos en Grande-Bretagne (« Gateau d’Espace », « La chienne est dans l’arbre », « Long Division Soufflé »), lugubres (« Danse Macabre », « La Mort en Direct »), de french lover (« Belle de l’ombre » de The Notwist période Nutella-huile de morue), de bouffe (« Au Bain Marie ») ou so french (« Bon chic bon genre », « Café de Flore », « Mort aux vaches »).

Les rares conclusions tirées de ces excursions ne sont que des suggestions issues d’informations filtrées d’internet, de Discogs et de quelques rares sites web, rapportées avec sûrement des erreurs, des oublis ou d’inévitables choix éditoriaux, par définition, discutables au sens propre. On garde à l’esprit que le chemin vers la conviction se doit d’être long, avec des pauses toutes les deux heures. On a fait notre maximum jusqu’à épuisement du réservoir, on va maintenant prendre notre temps pour digérer.

Bonne lecture et, surtout, bonne écoute.

Noise-moi