EURONOISE90 Vol. 9 : London Noising

Passée de capitale mondiale de la pop 60’s à réserve à punks au début de l’ère post-industrielle, Londres bascule dans les années 90 dans les raves, la jungle et la drumca & bass. Les guitares persistent malgré tout dans les charts, que ce soient avec les très hype Suede ou les gentils Blur. On retrouve aussi nombre de formations où ce sont les meufs qui sont à la barre, telles que Lush ou Elastica pour les plus visibles. Le rock londonien serait donc plus féminisé qu’ailleurs, héritage des Slits, influence du Riot grrrl ricain ou simple effet d’optique ? Quelque soit la réponse définitive, ce sont les filles qui ouvrent le bal ici. L’échauffement est vivement conseillé car ça va tabasser direct.

  • Noise Girls : Silverfish, Daisy Chainsaw, Queenadreena, Miranda Sex Garden, Snowpony, Echobelly, Curve, Quint, Moonshake, Stereolab, Quickspace, Minxus, Rosa Mota, Element of Crime, Skinned Teens, Linus, Flinch, Th’faith Healers, Screeming Custard!, These Immortal Souls, State of Grace, Lush, Elastica (+ Headbutt, Terminal Cheesecake, The Pushkins, God, Skullflower, Ramleh)
  • London Boys : The Wasp Factory, Skree, Guapo, Headcleaner, Penthouse, Fury Things, Ligament, Scarfo, Fiji, Lovelobs, Gallon Drunk, The God Machine, The slack dog ensemble, Elevate, The May Queens, Bastard Kestrel, Bodychoke, Loop, Hair & Skin Trading Company, Main, Sun Carriage, Billy Mahonie, Mass, Playground, Gag, Light, The Passion Flower Hotel, The Keatons, Nub, Blur, Campag Velocet, Dream City Film Club, Teenage Filmstars, Levitation, Sand, Bark Psychosis, Spleen, Talk Talk, Piano Magic, Fridge, Scott 4

Playlists EURONOISE Vol. 9

Noise girls

La chanteuse Ruby a connu son heure de gloire dans les années 90 avec un mélange de rock et de trip-hop. Ce succès a peut-être éclipsé son début de carrière en tant que cracheuse de feu au sein de Silverfish. Et pourtant le groupe en valait la peine. Des membres de Silverfish ont joué avec les cataclysmiques Headbutt à qui l’on doit, entre autres, un split avec Beamtrap de la série Erase Your Head du label Pandemonium.

Silverfish : « Fat Axl » (1990) / « Organ Fan » (1992)

Headbutt : « Tiddles » (1994) / « Shower Curtain » (1996) / « Solvent Bassed Product »

Imaginez Mylène Farmer se descendant une bouteille de Jack Daniels pour faire passer une barquette d’amphétamine et vous aurez une idée des prestations scéniques de Jane Garside, la chanteuse de Daisy Chainsaw et Queenadreena.

Daisy Chainsaw : « Eleventeen » (1992), « For They Know Not What They Do » (1994) / Queenadreena : « Taxidermy » (2000)

Cela va hérisser les poils de certains, mais Miranda Sex Garden a toute sa place ici, simplement parce que « Fairytale Of Slavery » sorti en 1994 est un incroyable album de madrigale-core.

Chaîne youtube de Miranda Sex Garden

Snowpony a pondu deux excellents albums de samplegaze qui n’ont pourtant pas marqué les esprits ici malgré la composition cinq étoiles du groupe :

  • Deb Googe de My Bloody Valentine
  • Debbie Smith, qui a joué entre autres pour Echobelly, Curve (electro noise), les très classes Quint et The Wasp Factory (dont on reparle plus bas).
  • Kattarine Gifford, membre de deux groupes essentiels des années 90, Moonshake et Stereolab (qui compte la Française Laetitia Sadier à son bord)
  • Le batteur des excellents Quickspace et Th’faith Healers (Hampstead)

Snowpony / Moonshake : « Eva Luna » (1992) , « Big Good Angel » (1993), « The Sound Your Eye Can Follow » (1994), « Dirty & Divine » (1996) / Stereolab / Curve / Quickspace / Th’faith healers : « Lido » (1992), « Imaginary Friend » (1993)

Éphémère trio bien dans l’air du temps, Minxus ne saurait être résumé à une hypothétique formule magique mêlant PJ harvey et Nirvana. La formation comptait dans ses rangs un mec de Terminal Cheesecake, groupe majeur de la dance music de chantier dont le personnel provient de différentes entités : le groupe de jazz fonte God (Justin Broadrick y est passé), Skullflower, Ramleh (Croydon) et même AR Kane (ce sont eux derrière le hit « Pump Up The Volume »)

Minxus : « Pabulum » (1994) / Terminal Cheescake / Skullflower / God : « Loco » (1991) , « Possession » (1992), « Consumed » (1993) , « The anatomy of addiction » (1994) / Ramleh

Un rapide sondage a permis de mettre en évidence le fait que personne n’avait entendu parler de Rosa Mota. La vie est injuste.

« Wishful Sinking » (1994) / « Bionic » (1996)

Même sentence pour Element of Crime (sonic meurtre) qui comptait en son sein une riot grrrl de Skinned Teens ainsi qu’un membre du groupe de frangines Linus (noise d’exploitation).

Linus : « Yougli » (1994) / « Good listener » (2000) / Skinned Teens

Sunshot n’a fait que passer. Dommage, son côté Sonic Youth refroidi à la cold wave était plutôt pas mal.

« Caughtintheactofenjoyingourselves » (1993) / compilation EP (1991/1992/1996)

Les groupes de power pop Flinch et Screeming Custard! se partageaient le guitariste des excellents The Pushkins, sorte de shoegaze qui se serait fait rouler dessus par la noise d’outre-Atlantique.

These Immortal Souls est un groupe australien formé à Berlin et échoué à Londres, composé d’ex-Crime & the City Solution et Birthday Party. Rien que ça.

« I’m Never Gonna Die Again » (1992)

State of Grace faisait du dreamgaze tout comme Lush, tandis qu’Elastica versait plutôt dans le post-punk poli à la pop.

State of Grace / Lush / Elastica

London Boys

Hommage à ce trop méconnu duo.

The Wasp Factory a été créé en 1987 lors de concert de Big Black par un Anglais et… un Français ou du moins un francophone (Jean-Luc Bonnet) qui est également à l’origine du groupe jazznoise Skree.

« Bait » (1989) / « Pretty Quickly… Ugly » (1990)

« Bait » (1989)

Headcleaner pressait de la noise pur jus avec un zeste de zinzin. Selon la légende (issue d’un commentaire sur le fb de noise-moi), le chanteur aurait filé un coup de main à celui des Burning Heads pour améliorer son anglais lors de l’enregistrement de l’album « Escape ».

Un premier album qui s’appelle «Au Fou », le titre « Aperitif » qui ouvre le second, Headcleaner est assurément le plus francophile des groupes londoniens. Peut-être parce que le premier bassiste du groupe, Erick Legrand, était originaire de Picardie.

Headcleaner a sorti un split de la série Erease Your Head du label Pandemonium en compagnie des Américains de Cow.

Morceau tiré de l’album « Au Fou » (1992)

« Head of the next one » (1994)

Guapo a enregistré son premier album d’une redoutable efficacité avec Pid de Headcleaner dans un style typiquement chicagoan. Le groupe partira par la suite dans une direction free et Zeuhl, comme le laisse deviner le titre du EP « Guapo VS Magma »… Une trajectoire singulière mais loin d’être dénuée d’intérêt.

Le groupe a sorti deux disques sur le label marseillais Pandemonium, ainsi que, lui aussi, un split Erase Your Head en compagnie des Bordelais de Oharu.

« Great Sage, Equal Of Heaven » (2000)

Avant de bucheronner dans les années 2000 au sein de Part Chimp, Tim Cedar a tronçonné à peu près tout ce qu’il pouvait sur la scène londonienne :

  • Penthouse (John Camberwell Explosion)
  • Fury Things (shoegaze violent)
  • Ligament (indie rocailleux)
  • Scarfo : power pop en compagnie de Jamie Hince de The Kills (dont le projet solo Fiji mérite le détour).
  • Lovelobs (Kurt Camden)

Penthouse : « My Idle Hands » (2000) / Ligament : « Kind Deeds » (1996), « Halfway Between San Juan & Mendoza (1999) / Fiji : « The Glue Hotel Tapes » (1999) / Loveblobs : « Prehistoric extraction » (1992)

Gallon Drunk groovait comme Nick Cave (lorsqu’il rebranche les guitares). Blues, punk et rock’n roll, Gallon Drunk mérite d’être (re)découvert.

Robin Proper-Sheppard est américain, il est plus connu de ce côté-ci de la Manche grâce à Sophia, de l’americana assez éloignée de ses autres contributions :

The God Machine : « Scenes From The Second Storey » (1992), « One last place of dying » (1994) / « The May Queens » (2000) / Elevate : « The Architect » (1996)

Bodychoke arrachait tout avec son punk noise des années 90, Bastard Kestrel arrachait tout avec son punk noise des années 80. Bodychoke comptait dans ses rangs un futur membre des excellents Giddy Motors (batterie).

Bodychoke : « Mindshaft » (1994)

Loop était le pendant énervé des Spacemen 3. Le groupe est mort en 1991 pour se réincarner en Hair & Skin Trading Company et Main. Ce dernier prendra une direction nettement plus expérimentale. Des musiciens ayant croisé la route de Loop se retrouvent dans Sun Carriage (Plymouth puis Camden) ou encore The Heads (Bristol).

Loop : « A Gided Eternity » (1990) / Hair & Skin Trading Company : « Jo In Nine G Hell » (1992), « Over Valence » (1993) / Main : «Motion Pool » (1994), « Firmament III » (1996)

Concert à Nevers

Londres accueillait un chapelet d’autres formations plus ou moins éphémères :

Billy Mahonie : « The Big Dig » (1999) / Mass : œuvres complètes (2021) / Gag : « When People Start Slapping Meat on Marble » (1999)

Impossible d’évoquer les années 90 à Londres sans parler de Blur, son virage américain et son tube « Song 2 ». On pourra également tirer de son terrier une petite hype vite oubliée mais pas désagréable du tout (Campag Velocet), ainsi qu’une palanquée de groupes de shoegaze : Dream City Film Club, Levitation ou bien encore Teenage Filmstars comptant un membre historique de Creation rcds qui a joué dans Sand, electro indus à géométrie variable vachement bien.

Playlist youtube Campag Velocet

Pour finir, on s’éloigne un peu du bruit pour rendre à César ce qui appartient à César : le post-rock est londonien. On doit la génèse du terme au critique Simon Reynolds qualifiant ainsi l’album « Hex » du groupe Bark Psychosis en 1991. Pour ceux qui s’attendent à un déluge de distorsion, se reporter à Spleen, projet indus metal qui suivit Bark Psychosis. La terme post-rock aurait pu tout aussi bien être attribué la même année à Talk Talk et son superbe album « Laughing Stock ».

D’autres groupes londoniens ont pris la suite de Bark Psychosis : Piano Magic, Fridge (le groupe du futur Four Tet) ou bien encore Scott 4 qui excelle dans le post kraut Cajun.