Les cousins : Seven Hate

Photo de présentation du label At(h)ome
Photo de la biographie sur le site de Vicious Circle (https://www.viciouscircle.fr/fr/artiste/seven-hate)

Seven Hate, Francis Cabrel, même combat. J’ai beau être devenu totalement étranger à la poésie du moustachu qui fait jouer ses mains sur un morceau de bois dans la cabane du pêcheur à l’encre de tes yeux, il m’en reste pourtant quelque chose d’indélébile. Enfoui, mais pas très profond. Les cassettes que mes parents écoutaient en voiture. Les cols des Alpes que la R12 familiale sillonnait tous les étés. La proximité avec mon frère et ma sœur, à l’arrière, sans ceinture avec tout un bordel pour la plage sous les pieds, que le coffre déjà plein ne pouvait plus accueillir. Je n’écoute plus de Cabrel, mais j’en entends encore. Les images d’enfance pointent alors, la lumière d’août sur le lac, le goût des glaces, la douceur de l’été, l’insouciance. Des caresses.

Seven Hate, pareil, mais le moustachu de l’histoire, c’est celui que je suis devenu. Enfin, moustachu, non c’est exagéré. Inutile d’offrir l’honneur des grands mots aux quelques proto-poils qui encombrent à peine le bord supérieur de ma lèvre en 1996. En ces temps-là, je vénère le rock à guitares exagérément saturées, et à peu près tout le reste ne mérite pas d’exister. Cabrel inclus. On est sérieux à ces sujets, quand on a 18 ans. La première fois que je vais voir les Burning Heads en concert, à la sortie de « Super Modern World », c’est cinq poitevins en short baggy et converses qui investissent la scène nancéienne du Caveau des Doms en guise de mise en bouche. La température est déjà trop haute, Seven Hate (c’est leur nom) se lance, ça part au sprint, le tout premier riff est fulgurant. Je suis fulguré. « Fickle », c’était. Les premières notes de la soirée. Les premières notes de « Homegrown ». Les premières notes d’une histoire affective forte.

« Homegrown » est leur second album. Comme dans son prédécesseur, « The Weaning Day », les dix commandements du skate-punk (comme on disait à l’époque) sont respectés à la lettre : du D-beat partout tu foutras ; en dessous de 220 bpm, une fillette tu seras ; allégeance à la weed et au skateboard tu devras ; la good vaïbe tu répandras ; la bite sur tes formules mélodiques tu ne te casseras ; du coup ça fait moins de 10 commandements en tout, mais de toutes façons en punk que tu es, pas grand chose tu ne respecteras. J’ai usé cet album jusqu’à la rotule et je me le suis fait tirer avec toutes les signatures dans le livret. Drame personnel encore fumant.

« Budded » sort l’année suivante. En le découvrant fébrilement dans l’émission de radio « Engrenage », je suis soufflé par le pas en avant du groupe. Le hardcore mélodique (comme on disait à l’époque) de leur début est toujours fidèlement reconnaissable, mais tous les potards ont été poussés vers l’avant. Respect et très lourde rotation dans mon discman. « Dead End » en boucle, au point d’éclipser le « Daily Satisfaction » du précédent.

A la fin de l’été 1999, un copain extirpe une cassette de sa poche. « Tu veux écouter le prochain Seven Hate ? » Waow, j’ai trop des amis dans le game, maintenant ! Peut-être y ai-je moi-même un pied ? Sentiment de consécration et frisson du privilège d’être l’un des tous premiers à découvrir les mélodies d’« Is This Glen ? », pas encore sorti, sur le lecteur cassette de ma chambre, chez mes parents, le futur album d’un des groupes qui compte alors le plus dans la scène punk de France. Et le goût si particulier que me laissera cette écoute excitante comme un énorme secret que je suis le seul à détenir.

Entre 1995 et 2000, ils jouent partout. Un essaim de nouveaux groupes libellé skatecore (comme on disait à l’époque) les cite comme influence principale. Le gratin de l’indé français se l’arrache, on veut être les meilleurs potes des Savonnettes. Burning Heads, Sleeppers et Portobello Bones font partie de leur premier cercle et il est habituel de les voir sur les mêmes affiches de concerts. Noise-rock et punk à roulette (comme on disait à l’époque) sont symbiotiques : ils reposent sur les mêmes réseaux en France, sont mis en avant par les mêmes fanzines, programmés les mêmes soirs, listés sur les mêmes compilations, les uns portent les t-shirt des autres, les autres roulent les spliffs pour les uns. On retrouve ainsi nos poitevins adossés à Shaggy Hound ou Portobello Bones dans des splits 7″. La collaboration avec ces derniers ira même jusqu’à l’enregistrement d’un titre ensemble.

Seven Hate souffle sa dixième bougie lorsque Seb décide de céder son fauteuil de batterie pour se consacrer uniquement à son chant. Franck, des Portobello Bones fraîchement splittés, rejoint l’équipe. « Matching the Profile », en 2002, me touche moins. Le groupe vit ses derniers mois.

J’ai adoré Seven Hate. Mais le punk mélo (comme on disait à l’époque) est resté derrière moi, ce n’est pas ce que je retiens de plus fascinant dans ce qu’ont généré les circuits underground nationaux des années 90. Aujourd’hui, c’est mon space cake de Proust. N’importe quel refrain de Seven Hate suffit à me ramener à cette époque. A mes vingt ans. Aux premiers amours, à mes premiers concerts, ceux dont on retient chaque détail, aux premières pierres de la vie que je me suis choisi. Aux caresses du début de la vie d’adulte. Vous pouvez détruire tout ce qu’il vous plaira, Seven Hate n’a qu’à ouvrir l’espace de ses bras pour tout reconstruire. Pour tout reconstruire.

Ville : Poitiers

Actif de 1992 à 2003, 2015, 2018

Membres : Manu Blin, Greg Cadu, Sébastien Dudognon, Stéphane Francès, Jean-Marc Gillet, Nico Jallais, Franck Leprêtre

Groupes parallèles : Portobello Bones, Loisirs, Microfilm, Dacyco, Captain K.Verne, Mexican Morrissey, Greedy Guts, Crash Taste, Les Taches, Reza

Discographie :

1994 LP The Weaning Day (Weird Rds) ECOUTER

1995 LP Homegrown (Vicious Circle) ECOUTER

1997 LP Budded (Vicious Circle) ECOUTER

1999 LP Is this Glen? (Vicious Circle) ECOUTER

2000 V/a Some Fourteen or More Things Seven Hate Never Dared to Tell You (Vicious Circle) ECOUTER

2002 LP Matching the Profile (Dialektik Rds, Enrages Prod, At(h)ome) ECOUTER

… Et 41 compilations listées sur Discogs !

En trois titres : « Fickle » sur Homegrown, « Dead End » sur Budded, « Golden Dream » sur Is This Glen?

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