That’s the Way Cookie Crumbles (1997, Kérosène)

That's the Way Cookie Crumbles

« That’s the Way Cookie Crumbles » est une compilation accompagnant la sortie du cinquième numéro du fanzine le plus stylé de l’Univers, Kérosène. « Ainsi va la vie », pourrait-on traduire, et la vie, en 1997, avait encore un paquet de secrets à me révéler. Du haut de mes vingt ans, je prends dans les incisives la puissance de la scène française que déroule cette compilation particulièrement bien pourvue. Et quelques enseignements qui changent une vie.

D’abord la richesse de ma scène locale, puisque Kérosène a la bonne idée d’être fomenté dans ma ville universitaire : Nancy. Ainsi existe-t-il à quelques lieues de ma cité U des groupes nommés Toxic Mildred, Shu Gang, Beeswax, carN ou encore SU, d’une dimension que les Fêtes de la Musique successives sur le territoire Lorrain s’étaient évertuées à bien me cacher.

Ensuite, inutile de traverser l’Atlantique pour plonger dans des trésors de savoir-faire. Certaines pièces de ce CD ont la classe américaine : le groove acide et virtuose du « Let’s Go to Work » et ses souffles d’autres frontières d’un Happy Anger alors complètement inconnu à mes oreilles ; l’irrésistible « Just Gas Oil » de Bushmen limougeauds ; ce « Bad Direction » dont on ne sait si c’est le riff principal simplissime et génial ou les respirations mélodiques soudaines des refrains qui en font un tube (les mecs s’appellent Keneda).

Enfin, cette scène n’est pas qu’intense, elle est aussi joyeuse, et s’en porte d’autant mieux. « That’s the WCC » débobine 22 titres, la plupart en exclusivité, en mettant en valeur les esthétiques dont Kérosène, le fanzine, fait les beaux jours : noise-rock ou émocore (Pregnant, par exemple), punk à crête ou à roulettes (dont Zabriskie Point, le groupe d’un certain François Bégaudeau, alors à une douzaine d’années de lever un César) ou hardcore-punk (Sixpack en live et en mode gros méchants). Des sous-genres marginaux dont on pourrait craindre l’austère radicalité et pourtant, c’est bien dans la bonne humeur que Burning Heads nous fait une Gilles de la Tourette en français dans le texte sur un de ses titres ; que Su et Well Spotted reprennent « Kerosene » (c’est malin) de Big Black ; et enfin que Portobello Bones et Seven Hate s’acoquinent pour massacrer « Run To The Hills » d’Iron Maiden, l’histoire de Satan qui monte sur Terre pour accomplir le mal, mais qui se trouve malade dans l’ascenseur. Ça part dans tous les sens, ça passe par Kingston, ça dégueule du Kiri, ça finit discopunk, un n’importe quoi de toute beauté pour conclure une compilation d’une très grande classe.

Cette compilation chérit ses invités et les met en avant avec de l’amour, de la proximité, de la joie. Ainsi va la vie. Une vraie réussite, forcément, une référence, un must-have dont les bénéfices inespérés permettront au fanzine de doubler son tirage, de passer à la qualité supérieure en s’offrant les services d’un imprimeur et qui donnera le top départ à l’activité label de Kérosène. Un second volet « That’s the Way Cookie (still) Crumbles » paraîtra en 1999, suivant une formule à peu près équivalente, et elle aussi, réussie.

Setlist de la compilation Kérosène
Tracklist de la compilation « That’s the Way Cookie Crumbles »