« On a récupéré les vinyles du mec de ma sœur quand il était en prison »

Nico Billion est aujourd’hui graphiste (le logo et la page d’accueil de ce site portent sa signature), photographe, bassiste et chanteur au sein de You Freud, Me Jane. Avant ça, il a roulé sa bosse à travers les nineties, au sein de Toxic Mildred notamment. En octobre 2021, il nous a raconté comment il en était arrivé là.

« J’ai eu la chance d’avoir une grande sœur, qui me précédait de 3 ans. Lorsqu’elle a commencé à fréquenter des garçons, elle ramenait à la maison des K7 de groupes. J’ai pu découvrir Téléphone, Thiéfaine, Saga, Men at Work, Ange et d’autres trucs, et c’est là que j’ai commencé à faire mon marché et me faire des oreilles. Jusqu’au jour où elle a rapporté « Seventeen Seconds » de The Cure, c’est là où tout a vraiment démarré, la grosse claque. Cela m’a permis d’être catalogué le weird toute ma scolarité du collège.

Quelques années plus tard, le mec de l’époque de ma frangine a fait un séjour en prison, on a récupéré chez mes parents sa chaîne hi-fi ainsi que sa collection de disques vinyles, je m’en suis donné à cœur joie. Il écoutait plein de trucs différents, de Bashung aux Cramps, les B-52’s, Sex Pistols, UK Subs … c’était un gros fan des Clash.
Au lycée, j’ai rencontré d’autres weirds (bahut d’arts appliqués, les gens normaux étaient rares) et j’ai plongé dans le punk et la cold-wave.

Après ça, de retour dans les Vosges, un copain (je suis sorti 5 ans avec sa sœur, il est malheureusement mort du Covid cet été) m’a fait découvrir plein de trucs  qui passaient en boite underground en Belgique (D.A.F., Fra Lippo Lippi, X Mal Deutschland, Gary Newman, End of Data, Minimal Compact). Ce gars m’a aussi fait découvrir l’émission de Bernard Lenoir, que j’enregistrais chaque soir puis me faisais des compil avec les morceaux qui m’avaient plu, j’écrivais phonétiquement les noms des groupes puis allais essayer de trouver les albums à la FNAC. J’étais souvent surpris par la réelle orthographe des noms des groupes, comme les Pale Saints, par exemple (là, ce fut ma grande période noisy pop, Stereolab, Boo Radleys, Ride, Lush …). Quand j’ai été objecteur de conscience dans le zoo de la forêt de Haye, je claquais tout mon solde à la FNAC. Je commandais aussi des disque chez Sugar & Spice, souvent au pif, d’après les petits résumés qui accompagnait les noms des albums (grosse claque lors de la découverte de mon premier Unwound acheté comme ça).

J’avais commencé la basse tout seul dans ma chambre, sans même un ampli, jouant sur mes albums préférés (je connaissais The Cure par cœur). On a fini par faire de la musique avec Pascal, le frère de mon pote Eric, parce que c’était le seul gars de mon entourage qui avait une guitare sèche (et heureusement, savait en jouer, culture classique). Après avoir fait des reprises de tubes de l’époque (en changeant les paroles), on a commencé à faire nos premiers trucs perso sur un 4-pistes à K7 que j’avais acheté, avec une boîte à rythmes prêtée par un gars qui avait acheté ça et n’en faisait rien. J’ai même réussi à nous faire prêter une guitare électrique pendant des années par un copain de mon père. Ensuite, on a trouvé un batteur (tout pourri au début puis un peu moins pire car le premier ne venait même pas aux répètes qui se passaient chez lui) et ça a donné TOXIC MILDRED. J’ai malheureusement perverti musicalement Pascal, il est passé de Brassens et Cabrel à Swervedriver (je l’ai vu hier, il ne m’en veut pas). Lorsqu’il nous arrivait de répéter dans le garage de ses parents, son père nous appelait le Trio Desesperansa.

Grâce à Mildred, on a été comparé aux Portobello Bones dans la presse mondiale underground (Kérosène ?) alors qu’on ne connaissait même pas, du coup on a été découvrir et ça nous a influencé pour de vrai ensuite. On est devenu bien potes avec Blindfold de Vesoul, groupe dans la même optique musicale que nous, on a pu échanger avec eux (et surtout Nico, guitare/chant) qui m’a fait découvrir Shellac, Distorted Pony, c’est un peu là que je suis tombé dans le noise-rock. Olivier, batteur de Death to Pigs, m’avait également enregistré une K7 avec Drive like Jehu d’un côté et Hammerhead de l’autre, j’ai usé cette K7 jusqu’à la corde. Tu rencontres des gens, ils te parlent de groupes, la vie, quoi.

Voilà voilà, c’est peut être un peu long mais ça m’a fait du bien. Combien je vous dois, docteur ? »