#3 de Diabologum : Rock & Fiel

Les clashs dans la noise française des années 90 ça avait quand même une autre gueule que ceux entre Booba et Kaaris ! Ca utilisait des mots compliqués, ça invoquait du philosophe, du penseur,  de l’auteur tourmenté, et sans formuler aucune insulte, ça pouvait finir en la pire de toutes celles sur les mamans et les putains toutes langues réunies : on ne va pas s’amuser à collectionner toutes les chroniques négatives de nos chouchous, on n’en finirait pas, mais celle de Rock&Folk de #3 nous a semblé digne d’être reportée ici. Susciter tant de haine avec juste de la musique, ça se porte en bandoulière.

Chroniquer ce troisième album des Français à la gomme de Diabologum revient, plus encore qu’à l’habitude, à choisir son camp. Si une stupéfiante inflation critique n’avait pas monté ce disque en épingle, on se serait contenté de régler son cas en quelques lignes, mi-amusé mi-effondré. Car dans le fond ce triste objet ne mérite même pas qu’on s’acharne sur son sort. Disons rapidement que les Diabologum ne savent ni jouer (ces strates de guitares de Velvet en toc), ni composer (de la musique, une chanson ou simplement une mélodie qui tienne la route), ni utiliser (cette tripotée de samples censée produire un effet de blizzard sonore), ni chanter (au moins ils n’essayent pas), ni même parler. L’affaire devrait donc être rapidement réglée, on ne tire pas sur une ambulance qui fonce vers le mur. Mais si on insiste encore, au risque de sembler s’acharner sur un disque qu’il faut être aveugle, sourd et malentendant pour apprécier, c’est qu’on est effaré et exaspéré par le snobisme intellectuel de ces gens. Texte après texte, on reste confondu par la bêtise prétentieuse de la littérature des Diabologum. Ces gens qui se masturbaient autrefois en citant tous les noms d’artistes contemporains qu’ils connaissaient, de Duchamp à Journiac, ont cette fois et vraisemblablement en toute bonne fois (c’est bien là finalement le pire de toute cette triste histoire) tranquillement kidnappé La Maman et la putain. Un des plus beaux et importants films de l’histoire du cinéma est ici réduit au rang de simple gadget culturel qu’ils utilisent pour camoufler la vacuité insondable de leurs propres pensées et leur absence totale de personnalité. Quand ces gens comprendront-ils qu’eux aussi ont leur part de responsabilité dans le suicide des Jean Eustache et des Guy Debord dont ils se gargarisent ? La bêtise humaine avait fini par avoir leur peau, leur mort n’a rien arrangé. Laissons les au moins en paix. Les Diabologum ne sont rien et leurs zélateurs moins que rien.
A.B., Rock & Folk, n°353, janvier 1997

Source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Diabologum (consulté le 19/10/2022)