Sans réfléchir, un souvenir

Dans un élan collectif, l’équipe de Noise-Moi s’est pliée à un petit exercice délicat tant il peut être facile de tomber dans la nostalgie quand on parle de souvenirs vieux de presque 30 piges.

Voici la question posée: « Sans réfléchir, là tout de suite maintenant quel est ton souvenir le plus marquant de la NF 90 ? »

Réponses :

Ludo : Ulan Bator au centre André Malraux à Vandœuvre dans la banlieue de Nancy. Places assises, à côté de moi Philippe, Florent et Dom. Je me rappelle qu’avant d’entrer dans la salle, il y avait un truc affiché au mur à propos de morceaux composés à partir d’équations mathématiques et quelque part j’ai trouvé ça dérangeant. Tournée de l’album Vegetale. Hypnotique. Un autre monde.

Olivier : Étant en groupe à l’époque, les premières chroniques de Beeswax dans Abus Dangereux et autres Kérosène, et notre toute première interview dans Tranzophobia avec du beau monde en couv’. Là on s’est dit : « putain, on a un pied dedans ! »
Sinon, les 3 concerts de Drive Blind auxquels j’ai eu la chance d’assister. 

Phip : Concert des Portobello Bones au festival Bosment.
Je me souviens avoir fait une fixette sur les tatouages qui recouvraient au moins la moitié de chaque jambe du chanteur en me disant que j’étais à des années-lumière de ces gars-là, d’autant que j’avais pas encore trop écouté leurs disques. Ils ont fait des centaines de bornes pour jouer devant une 50 aine de personnes, mais ils envoient une énorme purée. Ces mecs ne trichent pas et me paraissent de plus en plus proches, comme si le sens de la scène indé DIY me pétait à la tronche d’un coup. Après le concert, je me sens heureux comme rarement.

Brice : Un mercredi de mars 1992, vers 16h30. Une réflexion cruciale (« Bon, demain, j’y vais, en maths, ou pas ? ») accompagne un zapping un peu absent, lui aussi. M6 : en avant-plan, à droite de l’image, un type n’a pas l’air très content. Il semble s’être pris un angle de table basse dans le tibia. Je mets le son : ha, c’est un clip. Le morceau, lui, fonce sans m’attendre. C’est pas que ça ne monte pas, c’est que ça ne redescend jamais. Mes problèmes d’absentéisme attendront. La fin du clip, alors, déboule, et il était temps, parce que je n’en peux plus. Elle annonce : « Noir Désir » – « Tostaky ». Bon. D’accord.

Florent : La première conversation que j’ai eue l’honneur d’avoir avec Lionel Portobello, c’est quand il m’a appelé pour accepter la proposition de venir jouer à Bosment. Fatalement, j’étais en train de chier quand mon portable a sonné. J’ai eu la bite a l’air et le falzar sur les chevilles tout le long de cette première conversation avec l’un de mes héros de l’époque.

Florent + 17 heures (NDLA promis il n’a pas réfléchi dans le laps de temps, c’est un concept qui disparaît avec la quarantaine et la paternité) : Devant toutes les têtes d’affiches des Eurockéennes 1997, Radiohead, Smashing Pumpkins, Placebo, Noir Désir, le meilleur concert du festival était celui de Sloy, largement, transcendés par une foule infinie comme autant de fils qui se touchent. Tellement au dessus du lot.

Florent + 10 jours (NDLA encore promis, il n’a toujours pas plus réfléchi, pour les mêmes raisons) : En 1999, on accueille Tantrum lors de leur tournée « Into Thin Air ». Pour conclure leur set, Beeswax, qui leur chauffe les planches ce soir-là, invite Pierre Viguier à prendre le micro sur scène pour une reprise de « Soul Beauty », l’un des bijoux de « Be A Vegetable » de Drive Blind. J’ai l’honneur de compléter le line-up à la guitare. Pierre ne se sent plus très à l’aise avec la voix chantée. Qu’à cela ne tienne, ce sera « façon Tantrum ». Épaule contre épaule avec un monument en flagrant délit d’excellence.

Dom : C’est flou, je me rappelle de belles parties de ping pong et entre deux matchs, un concert de Beeswax. Rien à voir, si ce n’est que c’était aussi du ping pong, mais entre deux piliers vissés au sol ! Les secousses qui m’envoient dans les airs, la musique qui me fait l’effet d’une ponceuse qui me décape la surface du cerveau. A propos de la question, je ne sais toujours pas ce que signifie « noise ». Ça veut dire poussière ? Je me rappelle aussi de Drain Pump Booster. Eux m’ont fait l’effet d’une tronçonneuse, une présence telle qu’ils empilaient les morceaux comme on empile les stères de bois ! Je vois aussi cette vis tatouée sur la pochette de Hems et les sonorités de l’album tatouées dans ma mémoire. Je me rappelle des mots en français de Virago et de sa basse énorme, du concert d’Ulan Bator de la tournée « Végétale » à Nancy, de l’archet sur des cordes de basse, du touché du batteur, de la voix. Et puis je me rappelle des moments avec Ludo qui m’ouvre les portes du « Towncrier » de Prohibition et de tant d’autres aussi. La poussière ne retombe jamais.